Albanie
Voyage de presse – Novembre 2025
Dimanche 2 novembre
L'arrivée...
6h30 du matin, sous une pluie battante, je rejoins Olivier, l’organisateur du salon du voyage, et Klara, notre guide pour ce séjour, à l’aéroport de Genève.
Premiers pas en Albanie pour ma part, et il me faut bien avouer une chose : même si je connaissais l’existence de ce pays, rien de précis ne me venait à l’esprit à son évocation. C’était à peine si j’arrivais à peu près à le situer sur une carte, c’est dire… Quelle honte ! Comme quoi il y a toujours tellement de choses à apprendre tous les jours. Une des seules choses que je parvenais à me représenter était un monde coloré. Débrouillez-vous avec ça ! Dans tous les cas, n’ayant pas d’idées précises concernant cette nouvelle destination à découvrir, je n’ai rien voulu regarder en amont, afin d’éviter les éventuelles idées reçues, souhaitant voir sur place et m’imprégner directement. Se faire sa propre idée, voilà ce qui reste essentiel !
C’est donc avec les écoutilles grandes ouvertes que je plonge dans les conversations matinales, préférant de toute façon, écouter que parler.
Nous échangeons quelques mots pour commencer à nous connaître, et en route vers la salle d’embarquement, je demande à Klara depuis combien de temps elle vit en France. Elle profite de cette question pour planter le décor et nous raconter en grandes lignes son histoire, qui nous permettra également de comprendre celle de son pays.
Sous régime communiste pendant un demi-siècle, l’Albanie s‘en libère au début des années 90. Fondée en 1944, la république populaire d’Albanie restera alignée sur l’URSS jusqu’en 1960, avant de s’aligner sur la république populaire de Chine. Le parti unique était dirigé par Enver Hoxha jusqu’en 1985, date de sa mort.
Afin d’offrir un avenir plus radieux à leurs enfants, comme beaucoup d’autres familles, celle de Klara se renseigne afin de quitter le pays qui a besoin de se retrouver, pour s’installer ailleurs. Le frère aîné part le premier, et affirme qu’il ne reviendra pas, maintenant qu’il s’est rendu compte par lui-même des opportunités à saisir. Avec une prise en charge d’un membre de la famille du côté de Chambéry, c’est ensuite Klara et ses parents qui rejoignent la Savoie. À l’âge de quinze ans, elle débarque dans ce nouveau pays sans parler un mot de cette nouvelle langue, mais on devine immédiatement un caractère déterminé et reconnaissant qui l’aidera à s’intégrer rapidement sans aucune difficulté.
Anecdote après anecdote, elle vient déconstruire une fausse idée. « J’ai découvert ce qu’était la religion en arrivant en France », et cette phrase, qui déjà m’interpelle, va générer une sorte de fil conducteur pendant ce petit séjour découverte, mais j’y reviendrai plus tard.
Après des études, une carrière dans les transports et la logistique, et avoir fondé sa propre famille en France, Klara ressent le besoin d’un changement dans sa vie, pour aller vers plus de sens dans le domaine professionnel. Alors il y a deux ans, elle fonde sa propre agence de voyages, « Terre d’Albanie », pour donner envie de découvrir son pays natal. Pari risqué, lui dit-on, mais à trop privilégier le temps d’écoute de notre tête et à ignorer les élans de notre cœurs, nous passerions à côté des plus belles expériences que la vie souhaite nous offrir.
Blerina l’accompagne dans cette aventure, qui nous attend à Tirana, capitale de l’Albanie.
L’avion décolle et c’est parti pour 2h de vol seulement jusqu’à l’aéroport de Tirana (Tiranë en albanais). La moitié de la population du pays vit dans la capitale, soit près d’un million d’habitants pour plus de deux millions recensés dans la totalité du pays.
Quand nous sortons de l’avion à 10h00, bain de soleil au rendez-vous ! Quel coup de pep’s pour le moral après les fortes pluies du matin.
Notre petite équipe est d’accord sur le fait que nous avons faim, et nous nous installons en terrasse d’un café devant l’aéroport, en attendant que Blerina arrive.
Première occasion de découvrir ce que déjeunent les Albanais, alors nous nous en remettons à Klara qui commande des byrek, sorte de tourte fourrées soit au fromage, aux épinards ou à la viande. Version fromage pour tout le monde, accompagnées de dhallë : boisson au yaourt légèrement salé, frais et désaltérant. Un régal qui nous donne de l’énergie pour cette première partie de journée !
Nous faisons la connaissance de Blerina, qui ne se départit pas de son timide sourire illuminant constamment l’adorable personne que nous allons découvrir. Nous montons à bord de sa voiture, direction l’ouest du pays pour rejoindre Durrës, ville en bord de mer Adriatique.
Pâte feuilletée, garniture au choix : fromage, épinards ou viande la plupart du temps, le byrek (ici farci au fromage style feta) est une excellente collation le matin pour tenir sans problème jusqu’au repas ! Et avec le dhallë… hmmm, combo parfait !
Les oliviers
Du côté de l’usine…
Nous faisons une halte sur la route, à Vorë, pour rencontrer Silvana et l’équipe d’une petite usine de production d’huile d’olive : l’entreprise Subashi.
Une délicieuse odeur d’olive envahit les alentours et nos narines, et nous allons à la rencontre de Silvana qui nous accueille et nous fait faire le tour du propriétaire. On compte différentes variétés d’oliviers dans le pays, et ici, l’équipe d’une vingtaine de personnes, travaille beaucoup avec une d’origine italienne.
L’oliveraie, située un peu plus loin, compte des arbres âgés de 50 à 2 500 ans ! Elle est constituée de plusieurs parcelles, chacune exploitée par des propriétaires différents, qui amènent ensuite leur récolte à transformer ici à l’usine. De ce fait, le fonctionnement n’est pas celui d’une coopérative qui mélangerait les olives des diverses parcelles, mais reste bien individualisé. D’ailleurs, en entrant dans l’entrepôt, plusieurs grands bacs sont disposés pour accueillir les différentes récoltes, et comportent une étiquette mentionnant le nom du propriétaire. Tout le processus suivant suit la même logique, et chaque parcelle sera traitée séparément pour produire sa propre huile d’olive.
Après deux rinçages pour bien enlever feuilles et tiges, les olives prennent la direction du premier pressoir, avant d’être filtrées dans les grosse cuves individualisées, et de continuer par la pression à froid, jusqu’à délivrer leur précieux liquide couleur doré.
Les trois degrés de maturation d’une olive :
– La plus verte : donne moins d’huile mais offre une très nette qualité, un peu plus piquante.
– Entre les deux : excellente qualité, elle est la plus équilibrée, et est parfaite pour faire de l’huile. « Une fois qu’on a goûté celle-ci, elle devient la seule possible », selon Silvana.
– La plus noire : mûre, comme elle a plus de chair, donne plus d’huile, mais baisse en qualité, et se conserve moins longtemps. Elle reste idéale pour la cuisson, tandis que les autres sont excellentes pures et en assaisonnement.
Quelques chiffres :
L’usine reçoit environ 300 quintaux d’olives par jour !
100 kgs d’olives donnent 12 à 13 litres : un bon moyen pour comprendre le ratio et se donner une idée de la qualité que l’on peut trouver en magasin en fonction du prix de vente.
L’usine produit environ 20 000 litres d’huile d’olive par mois, destinés principalement au circuit court, dans les petits commerces, ou pour les dégustations, et importe peu.
Une petite production qui mise avant tout sur la qualité qui leur est chère !
Le bois est également travaillé pour en faire des ustensiles ou objets de décorations.
Ici, on utilise tout pour mettre l’olivier à l’honneur.
Silvana, en véritable passionnée, insiste sur la sensibilisation de consommation, la qualité avant tout. « Beaucoup de gens au départ n’aiment pas l’huile d’olive verte, mais petit à petit, ils finissent par s’y convertir. C’est comme un apprentissage du goût et des différentes qualités ».
Nous passons également par l’étape dégustation des trois différentes phases, de la plus verte à celle qui a maturé pendant un an.
Pure dans un petit gobelet, on sent effectivement les différents degrés de piquance. N’ayant pas l’habitude de boire de l’huile pure, un petit bout de pain mériterait de l’accompagner pour mieux la savourer !
Maintenant, direction l’oliveraie, dans un cadre splendide où la nature s’étend à perte de vue.
Du côté de l’oliveraie…
L’âne du coin, nous accueille tranquillement au début du chemin, se laissant caresser et ne se préoccupant que de son herbe à mâchouiller. Aldo sera notre accompagnateur pour cette partie de la visite et nous ouvre les grilles séparant les parcelles.
Des oliviers de tous âges, toutes tailles occupent un immense espace dont il est impossible de deviner le bout, et au loin nous apercevons certaines personnes travaillant sur leur parcelle.
Je reste un peu en arrière du groupe le temps d’observer, de me fondre dans l’ambiance et de prendre quelques photos, bercée par la langue albanaise de nos acolytes. Au bout d’un moment, Aldo nous invite à grimper quelques mètres d’une pente pour observer l’olivier le plus ancien du coin, pas moins âgé de 2 500 ans ! Il est immense et majestueux, immense, avec son tronc noueux tout emmêlé. Posé, là, offrant ses branches au soleil avec fierté.
De loin, juste avant de grimper ce petit bout de pente, j’avais fait coucou à un papy qui ramassait tranquillement le précieux trésor pour le réunir sur sa veste. En redescendant, Aldo se dirige vers lui et nous présente le monsieur qui n’est autre que son père, Mehdi. Tendant sa main, il nous salue à tour de rôle de sa bouille ronde et de ses yeux pétillants.
Klara traduit pendant qu’il parle, et je m’accroupis pour l’écouter et le prendre en photo. Une émotion me gagne, et je suis absorbée par sa voix rieuse et toute l’énergie joyeuse qui se dégage naturellement de lui. J’ai un véritable coup de cœur pour ce petit papy qui ne croisera mon chemin que cinq minutes, et qui nous regarde droit dans les yeux pendant qu’il nous parle. Je ne comprends pas l’albanais, et la voix de Klara me paraît loin, pourtant il se passe quelque chose, j’ai l’impression de comprendre ce qu’il dit, en particulier pendant le moment où son regard ne s’adresse qu’au mien. Une drôle de sensation d’avoir retrouvé un membre de la famille perdu de vue depuis si longtemps et qu’il est agréable de retrouver.
Avec toutes ces variétés et le temps passé ici, on peut dire que nous avons affaire à des experts de l’olive.
Mehdi, notre petit papy, nous explique que pour manger les olives noires, on peut les taper pour les casser, mais les vertes étant trop dures, il les taille à trois endroits, une par une. Klara demande s’il y a du monde à la maison pour l’aider, car cela doit prendre un temps considérable !
« Je suis à la retraite, j’ai le temps ! », et c’est ainsi que nous le surnommons Papy Superman en riant. « Quand il y a l’harmonie dans la famille, c’est l’essentiel. Je ne suis pas tout seul, toute la famille donne un coup de main ».
Il continue ses explications, comme quoi il les conserve dans de l’eau et du sel, et change l’eau tous les deux jours pour enlever l’amertume, pour ensuite les mettre dans des bocaux, en verre, pas de plastique surtout ! On sent à nouveau l’importance de la qualité et le temps à prendre pour bien faire les choses, idée à laquelle son fils Aldo, grand gaillard, acquiesce.
Et puis, ramasser les olives au grand air, en prenant la peine de les regrouper dans sa veste, est une aubaine. Ensuite la vieille Mercedes traversera le sentier que nous avons emprunté pour charger le tout. Parfois c’est l’âne.
Force tranquille qui apprécie l’instant présent.
Après ce moment, qui je le sais déjà, me laissera un souvenir indélébile, nous rebroussons chemin et laissons notre petit papy à sa cueillette.
Aldo nous raccompagne et au bout du chemin nous montre l’endroit où il va commencer à construire sa maison pour y vivre avec sa famille et son père. Ici, dans les campagnes en tout cas, on vit avec les anciens.
Encore des yeux qui pétillent, et une fierté à nous expliquer son projet, la façon dont il va s’y prendre, comment sera agencé son potager… Dans cet écrin préservé en pleine nature, aux abords de l’oliveraie, on ne peut que comprendre ce doux sentiment qui l’habite.
Aldo nous raccompagne jusqu’à la voiture, non sans avoir posé avec son âne, et nous lui serrons chaleureusement la main pour le remercier.
Je crois que c’est ce qui me marquera le plus pendant ce séjour : les yeux des gens qui pétillent avec cette étincelle si particulière.
Car quand on se regarde vraiment, les yeux dans les yeux, et qu’il ne s’agit pas de conventions ou de politesse, on ne s’évite pas, on ne peut qu’être sincère. Et ça fait toute la différence…
Durrës
N’oublions pas que nous sommes dimanche et qu’il fait un temps magnifique. Les familles sont donc nombreuses à en profiter tout comme nous ce jour, et c’est avec une circulation assez dense que nous arrivons à Durrës, plus grande ville portuaire du pays.
Ville étendue, connue pour ses échanges commerciaux, elle est la plus proche de la capitale et s’est beaucoup construite ces dernières années. Dans les années 90, c’étaient encore des forêts à perte de vue qui garnissaient le paysage. Autant vous dire que j’aimerais voyager dans le temps pour voir toute cette nature s’étendre le long de la mer Adriatique.
Klara nous explique qu’ici règne vraiment une vie à l’italienne, la dolce vita et farniente, où les gens apprécient énormément la balade digestive après un bon repas partagé et de se laisser porter jusque tard dans la soirée.
Ici, la mer Adriatique, plus sablonneuse, borde la côte jusqu’à Vlor où elle rejoint la mer Ionienne qui s’étend à son tour jusqu’au sud du pays, avec une couleur plus clair et ses galets, la rendant plus prisée par le tourisme.
Chaque époque a toujours voulu détruire ce qui avait été fait par les prédécesseurs, et c’est pourquoi beaucoup de ruines habillent la vieille ville, à côté desquelles sont construites des habitations plus récentes datant du régime communiste.
La journée étant déjà bien avancée, nous restons sur la promenade en bord de mer et nous dirigeons vers un restaurant. Avec un rendez-vous qui nous attend fin de journée à Tiranë, nous n’aurons pas l’occasion de nous enfoncer dans la vieille ville pour voir ces vestiges de plus près.
Prenant le temps d’échanger sur la culture, Klara nous raconte une anecdote de son arrivée en France : « Quand il a fallu remplir les papiers en arrivant en France, on nous a demandé notre religion, ce qui déjà, nous avait étonnés. Comme l’empire ottoman était passé par là, beaucoup d’albanais s’étaient converti à l’islam, mais dans tous les cas, après 50 ans de dictature, pendant lesquels on ne pouvait pas avoir de religion, les gens devaient se cacher et pratiquer seulement chez eux. Les églises ont été détruites ou étaient transformées en dépôts. En tout cas, sur les papiers en France, nous avions indiqué être musulmans, de façon ignare, pour faire comme la majorité, alors que dans ma famille, nous n’avons jamais eu aucune éducation religieuse, quelle qu’elle soit. Et à la cantine du collège, parfois on me disait que je ne pouvais pas manger tel plat car c’était du porc, et je ne comprenais pas, car nous en mangions, tout comme mon père boit de l’alcool quand il en a envie ! Quand on a compris qu’en France, on assimilait cette religion au Maghreb, on a compris qu’il valait mieux dire être athée, car ce n’est pas du tout la même vision. Chez nous, il n’y a pas particulièrement de rites ou de fêtes religieuses, ça prend très peu de place. Et au contraire, nous fêtons tous tout ensemble, les gens se mélangent, vont les uns chez les autres, et tous les jours de fête de toutes les religions sont fériés pour tout le monde. Les mariages mixtes sont très bien acceptés, chacun fait ce qu’il veut ».
Et même si, comme partout ailleurs, le patriarcat domine, la femme est très émancipée et libre. Elle a du pouvoir et sait très bien prendre sa place. D’ailleurs, en Albanie, le droit de vote des femmes date de 1920, contre 1945 en France…
Au restaurant de poissons et fruits de mer chez Artur, mes compagnons de voyages commandent donc un assortiment de ces plats que, oui, je boude, pour être végétarienne. Mais j’aurais droit à un bon risotto aux légumes, comme ça, ils auront plus de poulpe et autres crustacés à se partager !
En Albanie, il est de coutume de commander plusieurs plats à poser au centre de la table, ainsi chaque convive se sert comme il lui plaît. Convivialité est vraiment ce que dégage ce pays. Et nous ferons la même chose avec les desserts, qui sont les seuls que j’ai pensé à prendre en photo, tellement absorbée par nos passionnantes conversations. Mais comment allons-nous manger tout ça ? Et bien, on se débrouille, car les albanais aiment faire plaisir, et ça se sent !
En bonne compagnie, on ne voit pas le temps passer, et nous avons de la chance d’être un quatuor facile à vivre.
Le temps file, la luminosité change plus vite sous le soleil d’automne, et il est temps de remonter à bord du bolide de Blerina pour regagner la capitale pour notre première soirée albanaise.
Albanian nights
Après avoir récupéré la chambre d’hôtel sur Rruga e Kavajës, et pris une bonne douche aidant à se sentir d’attaque pour la soirée, nous remontons la rue dans une agréable marche nocturne afin de rejoindre le lieu donnant un spectacle suivi d’un dîner.
Un vrai shot pour éveiller nos sens à la culture albanaise, qui prend pour thème, le mariage, véritable institution en Albanie. Aujourd’hui, de grandes bâtisses à l’image de petits châteaux sont loués pour cet évènement qui traditionnellement, dure cinq jours !
Costumes, danses et musiques traditionnels des trois majeures parties du pays au rendez-vous, pour un spectacle à cœur ouvert auquel le public est convié à participer.
Première étape, passer par les loges pour nous dégoter un costume traditionnel pour la soirée. Quand vient mon tour, il n’y a plus de robes, seuls restent les accessoires. Tant pis, je me laisse donc vêtir d’un petit gilet brodé, d’un tablier et d’un foulard pour tout de même me fondre dans la masse.
Salle du haut, boutique d’artisanat divers, très présent dans le pays.
En bas, galerie de costumes traditionnels, et nous descendons dans le grand salon traditionnel où se va dérouler le spectacle.
Nous prenons tous place, assis sur des tapis, invités dans cette demeure, où nos hôtes vont venir se placer juste devant nous. Musiciens et danseurs arrivent à tour de rôle et prennent place tandis que notre hôte présente le show en anglais, avec humour et nous prenant à parti pour le bon déroulé de ce que sera le mariage de son fils, bercé par les traditions du pays.
Les musiciens donnent la cadence, une violoniste entre en scène et enflamme la salle de ses notes enjouées si vivantes, et l’énergie des danseurs happe la nôtre dans ce folklore coloré qui en met plein les sens…!
Et quel spectacle vivant ! Notre hôte ne s’attendait sûrement pas à une dame avec autant de répartie, quand, lors des besoins du show, il s’adresse à une petite mamie américaine nommée Vivi, qu’il présente comme un flirt qui les mènera vers une tendre, ou plutôt torride histoire – vu la façon dont Vivi renchérit à chacune des remarques du showman. Nous sommes tous pliés de rire dans cette ambiance si naturellement chaleureuse et détendue.
Olivier est également pris à parti comme étant le soupirant de la femme du showman, et avec beaucoup de subtilité et d’observation, il rentre également dans le jeu, allant même jusqu’à déjouer les plans de notre orateur… En tant que véritable professionnel, il ne laisse rien paraître de sa surprise pour la représentation de ce soir, mais l’observation d’Olivier l’intrigue…!
Le spectacle s’enchaîne pendant plus de deux heures, entraîné par les rythmes des instruments qui prennent parfois aux tripes, nos mains frappant l’une contre l’autre pour accompagner des danses aussi gracieuses et délicates chez les femmes que puissantes et affirmées chez les hommes… Par trois fois, tout le public est convié à se lever pour former une ronde géante et apprendre, main dans la main, à danser quelques pas. On s’emmêle les guiboles et on rigole en regardant son voisin qui essaie de suivre comme nous.
En bref, un moment de vie pétillant d’émotions, qu’un chant d’une profonde tristesse viendra compléter, par la jeune femme jouant le rôle de la mère du marié. Sans comprendre les paroles, le ressenti nous attrape, et par pudeur, peut-être comme d’autres convives, je retiens des larmes dans ma gorge. Suite à ce seul chant loin des festivités d’un mariage, notre hôte nous annonce que cela était bien sûr nécessaire pour nous faire vivre complètement ce pays. « Car ici, nous chantons et dansons toutes les émotions, on ne les cache pas ».
Peut-être est-ce pour cette raison qu’en ce premier jour seulement, j’en ressens tellement, des émotions.
Les festivités reprennent de plus belles, pleine de vie et de bonne humeur, notamment toujours avec la fameuse Vivi qui a sûrement été actrice tant elle semble dans son élément.
Puis, juste avant de clore le spectacle, notre hôte nous demande de prendre quelques secondes pour regarder sur notre droite, puis sur notre gauche, et qu’après avoir compté jusqu’à trois, chacun de nous va lever les yeux et prendre la première personne qui croise son regard dans ses bras pour une franche accolade. « Oublions pendant un instant que vingt nationalités différentes sont présentes. Ce soir, nous sommes tous ici, en Albanie, dans ce lieu à partager cette expérience. Et notre pays, c’est l’accueil et l’hospitalité ».
Le signal arrive, et un peu décontenancée par tous ces gens qui se mettent en mouvement, je me tourne vers Klara et nous nous donnons l’accolade. A peine ai-je rebasculé à ma place que mon regard se tourne de l’autre côté et je vois une dame arriver vers moi, les bras grands ouverts pour m’étreindre fortement, comme si nous nous retrouvions après de longues années. Puis elle me regarde et me demande d’où je viens, alors je lui dit France et elle me réponds Israël.
Nouveau moment intense, et je me répète, vous l’aurez compris, aujourd’hui ce sont des instants d’humanité que nous avons vécus. Et une pensée qui m’accompagne assez souvent s’invite dans mon esprit : l’humanité est capable des pires choses mais aussi des meilleures.
Les danseurs arrivent de nouveau, portant un immense plateau en argent garnis de dizaine de verres à shot de Raki, la gnôle albanaise, et tous ensemble nous trinquons, avant de rejoindre la salle de repas.
Assis sur des tabourets bas, presque à même le sol, dégustation de plusieurs plats, et nos voisins de table ne sont autres que la fameuse Vivi et son groupe ! Américains retraités, nous échangeons beaucoup avec eux, voyages, cultures, astuces et trinquons avec du vin local pour terminer cette première journée avant la marche digestive pour rentrer à l’hôtel ! Gezuar !